mercredi 9 avril 2008

Et si Pékin avait raison?

Nous avons tous lu Tintin au Tibet. Nous avons tous entendu le dalaï-lama. Nous aimons tous le Tibet. Spiritualité, intemporalité, blancheur.

Le Lotus Bleu, c'était autre chose. Une histoire complexe où s'affrontent des puissances militaires, financières. La drogue, la folie, le crime.

Tintin rencontre Chang en Chine. Il comprendra là la dure complexité du monde. C'est au Tibet qu'il le retrouvera. Et c'est là qu'il comprendra que la complexité est un masque. Les larmes de Tintin relient les deux albums.


Une invasion chinoise?

Depuis le XIIe siècle, le Tibet est chinois et le dalaï-lama avait généralement un statut de gouverneur qu'il partageait à certaines époques avec le Panchen-lama. En 1720, le Tibet devient un protectorat chinois : l'identité culturelle était garantie mais le commerce, la diplomatie et la défense étaient du ressort de la Chine. La présence de tibétain sur de nombreux monuments chinois en tant qu'une des cinq langues officielles, en témoigne.

Les choses changent en 1904 lorsque les Britanniques envahissent la région de façon sanglante. Quatre ans plus tard, la Chine reprend le contrôle et ce n'est qu'après la révolution de 1911 que le Tibet proclame son indépendance, indépendance que n'acceptera pas la Chine.

En 1950, le troupes communistes chinoises reviennent au Tibet, ce qui est qualifié d'invasion par les États-Unis alors en pleine fièvre anticommuniste. La CIA arme et entraine les guerriers tibétains et, en 1959, aide le dalaï-lama à s'exiler en Inde.

Si l'on peut parler de conflit territorial d'indépendance, le présenter comme une invasion n'est pas conforme à la réalité historique. Je ne défends pas là la vision chinoise, j'expose celle de la communauté internationale exprimée depuis longtemps par l'ONU et par la Communauté Européenne.

Que tout le monde maintenant se mette à parler d'invasion est étrange... à moins que les récents enjeux commerciaux puissent expliquer ce revirement idéologique.


Une population opprimée?

La Chine moderne n'est pas mon modèle de civilisation. Les droits de l'homme sont considérés comme un gadget inutile, les médias sont des marionnettes du Parti, le régime politique est une farce et la justice n'est citée en exemple que par Ségolène Royal. Ça ne donne pas envie, c'est sûr.

Pour autant, voir dans le Tibet du dalaï-lama un sanctuaire consacré à la spiritualité et échappant à la corruption du matérialisme occidental est sans doute un peu naïf.

Quel était la situation du Tibet avant le départ de dalaï-lama?

1. Théocratie absolue : Ni parti ni élections. Ni média non plus d'ailleurs.

2. Oligarchie et servage de la population : Par exemple, le commandant en chef de l'armée tibétaine, ami proche du dalaï-lama, possédait 4.000 kilomètres carrés de terre et régnait sur 3.500 serfs. Les monastères pouvaient enlever de force des enfants de paysans pour les enrôler comme domestiques, danseurs ou soldats. [A. Tom Grunfeld, The Making of Modern Tibet rev. ed. (Armonk, N.Y. and London : 1996)]

3. Droits de l'homme : Si la peine de mort n'était pas appliquée activement, la torture était d'usage courant : brisure des membres, énucléation des yeux, utilisation d'une panoplie proche de celle de notre moyen-age. Bien sûr, les enfants de paysans n'avaient ni scolarisation ni accès aux soins de santé. [Felix Greene, A Curtain of Ignorance (Garden City, N.Y. : Doubleday, 1961) ; Waddell, Landon, and O'Connor are quoted in Gelder and Gelder, The Timely Rain]


Ça ne donne pas envie non plus. A vrai dire, ça donne encore moins envie.

La domination chinoise est donc un sale coup pour l'oligarchie tibétaine. Les images d'émeutes montrent clairement que les opposants sont des moines ou des tibétains de milieux favorisés. Pour la plus grande partie de la population, je crois que c'est plutôt une bonne chose.

Mais vous savez comment sont les religions : elles ont le chic pour vous faire croire que ce qui est bon est mauvais et vice-versa. En plus, s'il faut reconnaître quelque chose au dalai-lama, c'est que c'est un communicateur fabuleux, le genre Steve Jobs vous voyez. En plus, son produit, c'est la vision d'un monde drôlement sympa. Vraiment le genre de chose dont nous avons tous besoin. Et en plus, y croire ne coûte pas un cent...


Alors? Alors, si l'on se préoccupe de droits de l'homme, de liberté de la presse, de démocratie et de développement individuel, il est sans doute légitime de lancer des actions contre la Chine. Mais le faire au nom du Tibet est grotesque.

2 commentaires:

  1. Quelques semaines avant ce foin, je mangeais entre un collègue Chinois (C) et un collègue Nigérian(N).

    Merkel venait d'accueillir à bras ouverts le Dalai Lama.

    N:Qui c'est le Dalai Lama?
    C:Un indépendantiste Tibétain.

    Il n'empeche que l'Empire du Milieu avait une ambassade au Tibet dans les années 20, ce qui n'est guère l'usage dans une province.

    CG

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  2. Delanoe rajoute de l'huile sur le feu, il a fait citoyen d'honneur de la ville de paris le dalai lama

    JL Melenchon a dit a peu près la même chose

    JL Melenchon video

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