samedi 23 décembre 2006

Bayes, la picotte volante et le bon Dieu (2)

Vous avez répondu 99%? Vous avez tort : la réponse est 50%. Rassurez-vous, la grande majorité des gens auront cédé comme vous à leur intuition et négligé la prémisse : seul 1% de la population est touché.

Si vous n'êtes pas convaincu, l'explication du théorème de Bayes qui éclaircit ce petit mystère se trouve détaillée sur Wikipedia.

Et Dieu dans tout ça?

Et bien, le fait que son existence soit identifiée comme très probable par de plus en plus de mes contemporains tient souvent du même mécanisme. Celui-ci peut être inconscient : nous aimons tous penser que telle chose est plus ou moins probable, mais nous détestons tous devoir y réfléchir en profondeur. Sans cela, le monde serait allégé de bien des loteries, casinos, marabouts et autres aigrefins.

L'argument de complexité ("Un monde aussi merveilleux/complexe/riche ne peut être le fruit du hasard!") repose sur le même biais d'intuition. Substituer temporairement l'émerveillement à la raison pure est une capacité dont j'espère chacun capable, et qui participe au réenchantement du monde. Nous gagnons en beau ce que nous perdons en vrai.

Fair enough
disent les anglais... pour autant que cela ne dérape pas trop.

Loin du fair-play, Richard Swinburne nage lui dans d'autres eaux : il utilise les mathématiques bayesiennes pour tenter de démontrer l'existence de Dieu. Ce distingué professeur de l'Oxford University estima en 1979 l'existence de Dieu à «more than 50 percent». Sa publication The Resurrection of God Incarnate discute de la probabilité que Dieu s'incarne.

L'utilisation de l'arsenal des probabilités dans un texte théologique est redoutable car elle donne un crédit scientifique au lecteur qui, rebuté, saute les passages techniques de confiance. Or, les bases mêmes de son raisonnement font état d'une méconnaissance colossale des probabilités (ou d'une malhonnêteté de même ampleur). Ici encore, le raisonnement repose sur des prémisses fausses (ou du moins arbitraires et indémontrées).

En effet, la base de son discours est du genre : "Dieu existe ou n'existe pas. Si nous n'en savons rien d'autre, nous devons donner à son existence une probabilité de 50%". Partant de là, il ajoute divers éléments pour faire grimper la probabilité.

La réplique de Richard Dawkins fait éclater l'inconsistance des prémisses : "Les montres à tête de spaghetti existent ou n'existent pas. Il y a donc 50% de chance qu'ils existent." Ben oui...

Ceci prêterait à rire, si l'Université d'Oxford et sa branche éditoriale, l'Oxford University Press, ne cautionnaient de leur prestige de tristes fadaises qui alimentent les sombres moulins transatlantiques.

5 commentaires:

  1. Que cherches-tu à prouver ? Qu'il est impossible de prouver l'existence de Dieu ? C'est justement là la base même de la foi. Tu enfonces des portes ouvertes.

    Quant aux discours sur la preuve de l'existence divine, ou la preuve de l'inexistence divine, laissons-les aux philosophes de comptoir et théologiens de bas-étage.

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  2. A prouver : rien.

    Je cherche à montrer que ce que je croyais réservé à la théologie de comptoir s'invite dans les universités les plus prestigieuses. Et pas par de petits dérapages verbaux lors de séminaires, mais bien par des publications largement diffusées.

    Ca, ça me semble nouveau et dangereux. Ca sent la croisade...

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  3. Bon, bon, bon...
    Si je puis me permettre, j'ai envie de dire
    1. Je trouve ça assez cool pour un mécréant (pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher - j'adore les obsolétismes, les surranneries et autres désuétudes) de mettre une majuscule au nom de Dieu. Déjà que moi, je trouve ça insupportable qu'on le détermine par "il".
    2. Pour saisir un début de commencement de comment ou pourquoi l'Oxford University Press véhicule ce genre de message, il faut se précipiter sur les romans de l'excellent David Lodge.
    3. Joyeuse année et paix à tous les hommes de bonne volonté.

    A. Nonyme

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  4. Par quel roman de David Lodge commencer? Une suggestion?

    Oui, joie et paix!

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  5. Le recueil de nouvelles "L'homme qui ne voulait plus se lever" est une bonne mise en bouche, puis peut-être s'envoyer "la chute de british muséum" ou "changement de décor" puis se laisser tenter par "Nouvelles du paradis".

    Mais bon, c'est pas trop scientifique comme littérature...

    A. Nonyme

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