mercredi 27 avril 2005

ART 6 - Automobiles et crudités

Aller au concert, c’est comme aller à la messe ou acheter une voiture. Avez-vous remarqué comme tout le monde est content de sa voiture? C’est que, si on a dépensé des mois de labeur dans l’achat d’un véhicule et que l’on s’est trompé, on risque de passer un fameux imbécile, erreur de jugement que l’on veut éviter à ses proches. On est donc très content de sa Smart marsupilami, de sa Lada vert moutarde ou de sa Mercedes Camargue d’occasion à laquelle il manque une portière.

Au concert aussi, on est très content. Si on y est, c’est que l’on a fait une démarche proactive pour y consacrer quelques heures et une somme qui, compte tenu des à-côtés, peut s’avérer coquette. Et comme on est content, on applaudit. Sur le millier de concerts auxquels j’ai assisté, je ne me souviens que d’un qui ne se soit clôturé par des applaudissements mais par une alerte à la bombe (qui, pour réussie qu’elle fut, n’entraîna guère que des réactions attendues d’indignés nantis : « Si on ne peut même plus aller au concert... »).

Pourtant, nous avons tous entendu parler de tomates lancées aux interprètes. Est-ce une légende? Pas du tout mais nous devons constater que cette belle tradition potagère se perd. Le lancer d’objets (parfois contondants) est une tradition qui s’estompe dans nos tièdes contrées où l’applaudissement a pris valeur de contrat moral. À l’entrée on paye de confiance, à la sortie on applaudit de contentement. Notez que l’on applaudit aussi désormais à l’entrée des musiciens, comme pour les encourager. Il arrive même (sans doute par délicatesse pour la frange la moins cultivée du public) d’applaudir entre les mouvements... un peu comme au cirque. De son côté, le chef peut applaudir l’un ou l’autre interprète, le soliste peut féliciter le chef et le premier violon. J’ai aussi vu les cordes applaudir (à coups d’archets) le chef ou le soliste, ou encore le chef et l’orchestre applaudir le public. Bref, ça fait parfois un peu partouze. Ça glisse au pays des merveilles...

Le musicien qui joue comme un cochon doit-il être exonéré d’une sanction directe? Ce n’est pas cela, le statut de l’artiste. Ceux qui me connaissent me savent l’oeil bienveillant et le verbe aimable. Mais si la Twingo que l’on me vend a les essuie-glaces montés dans l’habitacle, si mon La Romanée-Conti 64 a un arrière-goût de Paic Citron ou si mes radiographies dentaires affichent un kyste aux ovaires, ma ronde civilité ne m’empêchera pas de signaler l’erreur et d’en demander réparation. L’artiste n’a pas une obligation de résultat mais bien de moyens. Quel serait ce contrat où l’une des parties ne s’engage à rien?

Et si nous passions au chapitre 2 du Marabout-flash ‘Je vais au concert’? Le chapitre ‘Je ne suis pas content du tout’ nous explique que l’on peut ne pas applaudir, que l’on peut sortir ostensiblement dès la fin de la dernière note, que l’on peut même huer (après le concert si c’est simplement mauvais mais aussi pendant si l’escroquerie ne fait aucun doute) voire lancer des projectiles mous dans les limites autorisées par le Code pénal. Je ne recommande toutefois pas de siffler, ce type de signal étant bien sûr susceptible d’être mal interprété par les interprètes les moins subtils.

Et puis, entre-nous, vous n’avez jamais eu plaisir à crever les petites bulles de ces feuilles de plastique de rembourrage? Moi, ça me fait un bien fou...

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