dimanche 10 avril 2005

ART 2 - La musique veut dire quelque chose.

Je participais il y a peu à l'Assemblée Générale statutaire de la Zbam, ce bel organisme encore national au frontispice duquel trône comme fière et juste devise : « Le droit d'auteur est le salaire de l'auteur. »
Après quelques temps, la consultation distraite d'une pendule murale me fit prendre conscience avec effroi que ce que je prenais pour des heures n'étaient en fait que des minutes. De plus, étant maladroitement assis à trois sièges de la rangée la plus proche qui serpentait longuement vers la sortie, il me faudrait attendre, attendre, attendre. Étant venu sans autre passe-temps que ma montre analogique, je résolus de commencer la lecture du rapport financier. Bien m'en fit car, à l'instar de ce personnage de Borges, transfiguré par la vision de l’inconcevable univers qui s'offrit à lui sur un escalier de Buenos Aires... je lus la ligne 2 du tableau de la page 55. Et le monde changea.

La ligne 2 du tableau de la page 55 disposait que la Zbam avait perçu l'année dernière quelque 628.810,69 EUR en paiement de droits de sonneries d'appel téléphoniques. Si l’on considère que la plupart des sociétés proposant ces musiques à la vente sont basées à l'étranger (sortant ainsi de cette comptabilité), et aussi que les droits payés à la Zbam (lorsqu'ils le sont) ne présentent qu'une petite fraction du chiffre d'affaire général, on comprend qu’il n’est pas ici question de roupie de sansonnet mais bien d’un juteux marché émergeant. Et ceci n’est que le corollaire tristement financier d’une réalité bien plus fondamentale...

Après des millénaires d'errance dans les ténèbres du non-sens, la musique naissait donc à un nouveau statut. Celui de signal.

Ne voulant pas rester sur le quai alors que s'ébroue cette nouvelle conquête de l'ingénierie humaine, j'ai acquis un GSM que j'ai programmé avec délices. Désormais, si la musique des Flintstones m'informe d'un appel de mon père, l'Oedipus Rex de Stravinsky évoque ma mère, le thème de Mission impossible ma compagne, tandis que les 4’33” de John Cage témoignent d’un appel discret du C.A. de Mensa. Quel monde merveilleux que celui qui donne enfin un sens à la musique.

Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Et si la peinture aussi se trouvait réinvestie du sens dont l'ont dépossédé les Pollock, Kandinsky et autres badigeonneurs exilés du réel?

Si les pouvoirs publiques le voulaient, ils pourraient avec à-propos combiner art, sens et caractère utile. Réinventons la ville. Faisons descendre l'art dans la rue en substitution, par exemple, de cette laide symbolique qui guide nos automobiles. Abattons d’enthousiasme les murs qui séparent depuis trop longtemps sécurité routière et accessibilité au patrimoine artistique. Rêvons! La Joconde remplacerait avantageusement les très bêtes panneaux Stop, un autoportrait de van Gogh (à une oreille) signalerait la présence d'un hôpital, les Aveugles de Breughel intimerait l'interdiction de dépasser, et la Ronde de nuit l'obligation d'allumer ses phares.

Que du beau, que de l'utile. À notre image.

1 commentaire:

  1. sauf que la musique est plus universellent admise que les codes de la représentation picturale, en l'occurence très occidentale !

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