jeudi 7 avril 2005

ART 1 - La musique ne veut rien dire.

Certains hommes meurent sans avoir jamais vu un tableau ou une sculpture. C'est un fait et peu m'importe ici le poids que, individuellement, nous lui conférons. Le nombre d'individus cassant leur pipe avant d'avoir lu un livre est nettement plus important. C'est que lire, cela s'apprend. Regarder un tableau aussi me direz-vous mais ne commençons pas cette chronique par des pinailleries s'il vous plaît.

En revanche, meurt-il quelqu'un qui n'ait jamais entendu de musique? Dans les pays industrialisés, cela semble impensable. Bien avant sa naissance, durant son humide existence utérine, l’enfant aura eu les tympans agités par nombre de morceaux musicaux sollicités ou non par sa mère chez elle, dans n'importe quelle salle d'attente, station de métro, café, grande surface, braderie, coiffeur et autre lieu où le silence n’est pas bienvenu.

Bref, de toutes les formes d'art, c'est la musique qui exerce la plus grande pression sur l'individu et la société. (Je gage qu'une démonstration de type économique aurait été possible mais, pour être franc, j'avais la flemme d'en collecter les données et voulais parier sur votre intelligence à être d’accord avec moi.) Cette hégémonie donne corps à un étrange paradoxe, car la musique ne représente rien.

La musique peut sans doute exprimer bien des choses sur un spectre ouvert allant des Cornichons de Nino Ferrer aux Vêpres de Rachmaninov. Elle bombe le torse des hommes qui vont gaillardement se faire déchiqueter, masque l'amertume des dimanches de grisaille, égaie les enfants dans les rues de Disneyland Paris ou invoque le spectre si lent des amours flétries.

Il n'empêche que la musique ne représente rien et les très marginales tentatives pour démontrer le contraire (Messiaen, Parson...) n'ont jamais abouti qu'à des grotesqueries ou à des objets sonores non musicaux, confirmant ainsi ce qu'ils voulaient infirmer.

Lorsque les Talking Heads chantaient « Stop making sense », certains y virent les signes avant-coureurs d'un monde postmoderne où les valeurs de vérité, de justesse, de validation devenaient désuètes et naïves. D'un monde fait d'un tissu dense de récits et de méta-récits parfois interdépendants, parfois contradictoires, parfois divergents.

La texture de l'univers musical dans lequel nous évoluons depuis des millénaires est du même ordre. Comment expliquer que l'abstraction (la non-représentation d'une réalité extérieure, fut-elle onirique) ne put intégrer les autres formes d'art que si tard, si laborieusement, recueillant l'ironie de personnes qui par ailleurs s'extasiaient devant Beethoven ou Brahms?

À l’inverse, que serait la musique si elle était née figurative? Sans doute le Concours Reine Elisabeth verrait-il défiler des candidats imitant la vache en plein vêlage, la pintade amoureuse ou le zigouigoui que fait l'eau d'une baignoire qui se vide... À peine de quoi réjouir cet autre présent qui n'est pas le nôtre.

3 commentaires:

  1. euh,... avant d'être instrumentalisée, "la musique", c'était d'abord le son de la voix humaine comme une respiration scandant les activités ; ne serait-ce le cri primitif du karateka dans l'aboutissement de son geste, ou les travailleurs africains dans les champs, ou les galériens... puis on en a fait un langage émotionel, devenu sophistiqué aussi comme l'écriture... les degrés d'évaluation dépendent de quelle culture on relève, mais je pense que la musique par son tempo nous rappelle plus ou moins certaines activités primitives, (un peu comme la madeleine de proust en matière de goût). Tout cela, pas plus de sens que d'aimer manger certaines choses !
    profane et amateur éclectique, mon avis vaut seulement un point de vue !

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  2. La musique peut évoquer, non signifier.

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  3. le seul sens objectif qu'on peut y mettre c'est dans l'esthétique relative à une époque et une culture

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