QI132 est manifestement en léthargie depuis quelques temps, et nous ne le réanimerons pas.
En effet, bien que l'aventure fut passionnante, QI132 souffrait de plusieurs défauts :
ligne éditoriale peu claire ;
liens assez prononcés à Mensa ;
limitations techniques de Blogger.
Nous avons donc décidé de faire tabula rasa (enfin, presque) et de lancer une nouvelle plate-forme dotée de son propre domaine et orchestrée par WordPress : Asterion.
L'objet d'Asterion vous est détaillé ici. Comme vous le verrez, Asterion récupère à la fois les rédacteurs de QI132, et certains de ses centres d'intérêts. Alors, tant qu'à faire, nous y avons aussi importé d'anciens billets auxquels nous avons conservé leur date originale de parution.
Merci de nous avoir suivi durant ces quelques années sur QI132, et soyez les bienvenus sur notre nouveau média : www.asterion.be.
Mes pérégrinations sur la toile me ramènent une assez vieille histoire dont l'actualité reste vive. En 2000, une célèbre journaliste radio américaine, Dr. Laura Schlessinger, déclara que l'homosexualité est une perversion. Sa justification fut le classique argument d'autorité biblique : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme : ce serait une abomination. » (Lévitique, chapitre 18, verset 22)
L'anecdote prend tout son sel avec une lettre qui lui parvint dans le courrier des auditeurs. Cette missive vitaminée émanait de John Nichols, éditorialiste du Capital Times. La voici :
Cher Docteur Laura,
Merci de tant faire pour éduquer les gens à la Loi de Dieu. J'apprends beaucoup à votre écoute et essaie de partager cet enseignement avec le plus grand nombre. Quand quelqu'un défend l'homosexualité, je brandis le Lévitique 18:22, point final.
Toutefois, concernant d'autres lois du Lévitique et de l'Exode, j'aurais besoin de nouveaux conseils avisés de votre part, afin des les interpréter au mieux. Ainsi :
- Quand je brûle un taureau en sacrifice, je sais que cette odeur est douce au Seigneur (Lev. 1:10-17). Elle ne plait cependant pas à mes voisins. Comme trouver le meilleur compromis?
- Je souhaiterais vendre ma fille comme servante, tel que c'est indiqué dans l'Exode 21:7. De nos jours, quel serait le meilleur prix pour une fille de son âge ?
- Je sais qu'aucun contact ne m'est permis avec une femme durant ses périodes de menstruation (Lev. 15:19-24). Le problème est : comment le savoir? J'ai essayé de demander mais la plupart des femmes en prennent ombrage.
- Le Lévitique 25:44 dit clairement que je peux acheter des esclaves des nations alentours, mâles et femelles. Un de mes amis affirme que cela s'applique seulement aux Mexicains, et non aux Canadiens. Pourriez-vous clarifier ce point? Pourquoi ne pourrais-je pas posséder de Canadiens?
- J'ai un voisin qui persiste à travailler le samedi. L'Exode 35:2 dit clairement qu'il doit être mis à mort. Suis-je moralement obligé de le tuer moi-même ?
- Un de mes amis m'affirme que, si manger des fruits de mer est une abomination (Lev. 11:10), c'est tout de même moins grave que l'homosexualité. Je ne suis pas d'accord ! Qu'en pensez-vous?
- Le Lévitique 21:18 dit que l'on ne peut pas approcher de l'autel de Dieu si on a des problèmes de vue. Je dois bien admettre que je porte des lunettes. Mon acuité visuelle doit-elle être de 20/20 ou existe-il une certaine tolérance?
- Je sais que toucher le peau d'un cochon mort me rend impur (Lev. 11:6-8) mais puis-je tout de même jouer au football en portant des gants?
- Mon oncle possède une ferme. Il viole le Lévitique 19:19 en plantant dans un même champ deux types de cultures différentes. Sa femme fait de même en portant des vêtements faits de différents tissus (mélange coton/polyester). Il a aussi tendance à médire et à blasphémer. Est-il vraiment nécessaire de réunir tous les habitants du village pour le lapider? (Lev. 24:10-16) Ne pourrait-on pas simplement les brûler vifs lors d'une simple réunion de famille, comme ça se fait avec ceux qui dorment avec des parents proches? (Lev. 20:14)
Je sais que vous avez étudié ces matières de façon approfondie et ne doute pas que vous puissiez m'aider.
Merci encore pour nous rappeler que les paroles divines sont éternelles et immuables.
Depuis quelques mois, Google a implémenté dans son interface de recherche une fonction de suggestion fondée sur les requêtes les plus fréquentes commençant par les caractères que vous êtes en train de taper.
Prévue dans un premier temps pour faire gagner quelques fractions de secondes à l'utilisateur, cette fonction offre une image frappante des préoccupations des internautes pour autant que l'on choisisse des débuts de phrases ouvertes.
Il en ressort entre autres la conviction que Dieu n'est pas un inspecteur de poisson (puisqu'il semble être un astronaute), que l'on soit perplexe sur les mécanismes à mettre en place pour tomber enceinte, que l'aérophagie cause plus d'anxiété que la solitude, et qu'une masse considérable d'internautes sont "extrêmement terrifiés par"... les Chinois. Heureusement, une singulière bouffée d'intérêt pour les équations quadratiques vient relever le niveau.
D'autres facettes googliennes de notre belle humanité? Les commentaires vous sont ouverts!
Puisque vous avez la flemme de cliquer, je résume. En 1961, Frank Drake a jeté les bases toutes simples permettant d'estimer le nombre potentiel de civilisations extraterrestres dans notre Galaxie avec lesquels nous pourrions avoir un contact. Les choses se résument à une simple équation :
N = R * f(p) * n(e) * f(l) * f(i) * f(c) * L
N est le nombre de civilisations extraterrestres dans notre galaxie avec lesquelles nous pourrions entrer en contact, R est le nombre d'étoiles en formation par an dans notre galaxie, f(p) est la fraction de ces étoiles possédant des planètes, n(e) est le nombre moyen de planètes par étoile potentiellement propices à la vie, f(l) est la fraction de ces planètes sur lesquelles la vie apparaît effectivement, f(i) est la fraction de ces planètes sur lesquelles apparaît une vie intelligente, f(c) est la fraction de ces planètes capables et désireuses de communiquer, L est la durée de vie moyenne d'une civilisation.
Si la valeur de R est connue avec assez de précision (+/- 10 étoiles/an), les autres valeurs restent inconnues, et six inconnues pour une seule équation, c'est carrément trop pour espérer une solution unique.
Mais Enrico Fermi était d'origine romaine. Il a donc retourné le problème et imaginé une civilisation extraterrestre lancée à la conquête de la Galaxie (limitée par la vitesse de la lumière). Cette civilisation progresserait par bonds, s'arrêtant quelques siècles sur chaque nouvelle planète, puis enverrait de nouveaux vaisseaux pour poursuivre son expansion. La relative lenteur de progression serait largement compensée par la multiplication des vaisseaux, en manière telle que, après quelques centaines de milliers d'années seulement, la totalité de la Galaxie serait colonisée (1).
Or, de contact extraterrestre, il semble que nous n'en ayons pas eu. Tel est le Paradoxe de Fermi.
Plusieurs hypothèses sont possibles (de tel sorte que ce paradoxe n'en est pas vraiment un bien sûr) :
Les civilisations extraterrestres n'existent pas ;
Les civilisations extraterrestres existent, mais il leur est impossible de nous contacter ;
Les civilisations extraterrestres existent, ont développé la technologie pour nous visiter, mais ne l'ont pas fait ;
Les civilisations extraterrestres existent et nous ont visités, mais ne signalent pas leur présence ;
Les civilisations extraterrestres existent, nous ont visités et ont communiqué avec nous, mais leur existence n'a pas été officialisée ;
Les civilisations extraterrestres existent et nous sommes celle qui visitera la galaxie ;
Les civilisations extraterrestres existent, mais considèrent le système solaire comme peu propice ;
Les civilisations extraterrestres existent, mais s'autodétruisent avant de contrôler le voyage intersidéral ;
Eh bien, il y a à peine 48 heures (2), une autre hypothèse vient d'apparaître, aux termes de laquelle aucun paradoxe ne se dégagerai de la présence de plusieurs centaines de civilisations extraterrestres avancées au sein même de notre Galaxie!
Dans un papier datant du 2 février et publié sur arXiv (Broadcasting but not receiving: density dependence considerations for SETI signals), Reginald D. Smith du Bouchet-Franklin Institute de Rochester considère un élément négligé : il existe une distance au-delà de laquelle un signal extraterrestre devient si faible qu'il ne peut plus être détecté.
L'étude propose un modèle quantitatif qui repose sur une équation de Drake à laquelle est injectée la distance maximale moyenne d'émission d'un signal extraterrestre. Cette équation de Drake 2.0 permet d'estimer une densité de peuplement minimale de la Galaxie en-deçà de laquelle il est peu probable qu'un contact puisse s'établir.
Smith démontre ainsi que l'absence de communication pointée par Fermi peut simplement s'expliquer par une densité de peuplement trop faible : « Assuming the average communicating civilization has a lifetime of 1,000 years, ten times longer than Earth has been broadcasting, and has a signal horizon of 1,000 light-years, you need a minimum of over 300 communicating civilization in the galactic neighborhood to reach a minimum density. »
Ce qui, m'assure le fils du voisin, est un truc de ouf!
Et Shakespeare là-dedans? C'est ici, dans Hamlet (I.v.174-75) : « There are more things in heaven and earth Horatio, than are dreamt of in our philosophy. »
Notes
(1) Oui, le principe de la réaction en chaîne qui devait occuper Fermi aussi en dehors de ses heures de boulot.
(2) C'est dire à quel point vous avez eu le nez fin de vous être affilié à ce blog!
Après un lancement calamiteux, le fantastique projet Europeana est désormais en ligne et, bien que toujours en phase de test, ça décoiffe doucement : textes, illustrations graphiques, extraits sonores et vidéos de près de 70 contributeurs dont la Bibiothèque nationale de France, la Fundação Calouste Gulbenkian, la Bibliothèque Royale de Belgique et The British Library. Le partimoine actuel de 2 millions d'objets numériques sera triplé lors du lancement de la version 1.0, en 2010.
Il reste toutefois pas mal de choses à améliorer : robustesse du système et cohérence des données. Vous trouverez en effet bien le viandier de Taillevent hébergé par la Bibliothèque nationale de France, mais le lien ne vous mènera que vers une page d'erreur doù il vous faudra recommencer la recherche! En outre, la possibilité pourtant capitale de créer un compte propre afin de stocker ses recherches a été temporairement et mystérieusement supprimée. Don't worry, be crappy comme ils disent, Outre-Atlantique.
Un petit aperçu en quelques clics? Mais avec plaisir...
Il y a une propriété de pi qui me fait douter de son existence, ou plus modestement, qui me fait réaliser que je n’avais pas vraiment compris ce qu’est un nombre. Et cette propriété est : « pi est un nombre normal. » Cela veut dire que la suite des chiffres qui composent pi, et qui commence par 314159 a toutes les propriétés d’une suite aléatoire infinie, où chaque chiffre apparaît avec la même fréquence 1/10.
Une conséquence de cette propriété de pi est que toute suite de chiffres de longueur finie, comme 0123456789, est présente quelque part dans la suite des chiffres qui composent pi. Plus la séquence est longue plus sa fréquence est faible, mais comme pi est une suite infinie, on a la certitude que n’importe quelle suite finie y est présente une infinité de fois. Par exemple, la suite la 10 chiffres 0123456789 est présente en moyenne une fois tous les 10000000000 chiffres, tout comme 0000000000, ou 3141592653.
La même observation est plus frappante quand on l’exprime différemment. Quand on écrit pi = 3.1415, ce n’est qu’une manière concise d’écrire que pi est le nombre qu’on obtient en faisant le calcul 3*1+1*1/10+4*1/(10*10)+1*1/(10*10*10)+5*1/(10*10*10*10). C‘est ce qu’on appelle la base 10. Avec la numération en base 2 des ordinateurs on écrirait pi = 11,0010010… ce qui veut dire pi = 1*2+1+0*1/2+0*1/(2*2)+1*1/(2*2*2)+… Si on veut utiliser une base plus grande que 10, il nous faut des symboles pour écrire tous les chiffres jusqu’à la valeur base. Pour écrire les nombres en base 27, par exemple, on peut convenir d’utiliser les lettres de notre alphabet et l’espace. On conviendrait 0 = «_», 1 = « A », 2 = « B», etc. jusqu’à 26 = « Z ». En base 27, et avec cette convention, les premières décimales de pi sont reprises dans le titre.
La normalité d’un nombre est indépendante de la base dans laquelle il est écrit, ce qui signifie que n’importe quelle suite finie de lettres se trouve quelque part dans pi. Par exemple, on s’attend à trouver le mot « PAPA » une fois toutes les 500000 décimales. Le texte du journal de demain figure aussi quelque part dans pi, de même que toute l’oeuvre de Voltaire. Tout cela y figure même plusieurs fois, une infinité de fois ! Pire, ce n’est pas propre à pi : la plupart des nombres sont normaux. Cela veut dire que la plupart des fois que vous faites un calcul, l’œuvre de Voltaire est cachée dans la réponse.
La situation est analogue à celle du singe imaginé par Emile Borel, qui reproduirait l’œuvre de Molière en tapant au hasard à la machine à écrire. Dans ce cas là, on peut se consoler de ce que cette situation n’est pas vraiment réelle, puisqu’il faudrait au singe un temps plus long que l’age de l’univers pour ne taper qu’un début de tirade. Ce que je trouve choquant avec la normalité des nombres, c’est que tout y serait dès le début. De manière statique, et depuis toujours. Faut-il en conclure que la plupart des nombres ne sont pas vraiment réels ?
Le social bookmarking est apparu en 2005 avec de.licio.us dont le succès provient en grande partie... de son succès. C'est brouillon, confus mais tout le monde y est, ce qui – en matière de socialisation – a son importance. En 2006 est apparu StumbleUpon, plus structuré et permettant de dire d'un clic « j'aime » ou « j'aime pas », d'intégrer son propre site, de maintenir un petit blog et surtout d'intégrer un réseau social plus chaud (au sens de Marshall McLuhan). Bon, cela me donnait surtout l'impression que cela servait surtout à tromper l'ennui. Une floppée d'autres sites émergèrent dans ma plus grande indifférence.
En 2006 surgit Ma•gnolia qui offrait quatre choses importantes : l'importation facile des signets du navigateur, une interface lumineuse, la possibilité de créer des groupes et celle de rendre des signets privés. C'était devenu mon outil pour partager mes découvertes avec des amis, et pour m'assurer une accessibilité à mes signets lors de mes déplacements. J'y ai découvert aussi quelques sites intéressants. Pourtant, je vais quitter Ma•gnolia alors même qu'il fait le choix audacieux de l'open source.
Je vais quitter Ma•gnolia parce que la version 3 de Diigo est très étonnante.
Diigo est un site de social bookmarking que j'utilisais pour une option fantastique : celle qui permet de surligner des passages. Lorsque je rédige un article, j'ai pris l'habitude, grâce à l'extension de Diigo, de surligner les passages importants et de les stocker dans une liste personnelle créée à cet effet. Dès que je me remets au travail, d'un clic j'ai non seulement accès à mes sources mais encore aux passages surlignés. Épatant, même si l'usage que j'en faisais était très personnel. De fait, l'aspect social de Diigo était handicapé par plusieurs lourdeurs structurelles.
Dans sa version 3, relookée aujourd'hui même, une fois votre compte ouvert et l'extension installée sur votre navigateur, tout se passe comme dans un rêve. Lorsqu'un site vous plait, surlignez éventuellement les passages importants et envoyez-le à Diigo : une fenêtre vous permettra de donner une description, d'en choisir le caractère privé ou public, de prévenir Twitter, d'ajouter ce signet à une liste que vous aurez préalablement créée, d'informer un groupe etc.
Ultérieurement, vous retrouverez ce site avec le surlignage, mais vous verrez aussi qui d'autre l'a mis en signet public et quelles annotations y ont été ajoutées par la communauté.
Parmi la centaine de nouveautés de la version 3, j'en épingle cinq qui, ensemble, motivent ce billet.
Tous vos signets Diigo se trouvent directement accessibles dans votre barre latérale, rendant désuets vos signets locaux.
Par la même barre latérale, il est possible de voir ce que les gens disent du site sur lequel vous êtes en train de surfer. Je ne suis pas certain que cela ne me fatiguera pas rapidement mais pour le moment, c'est assez bluffant.
Il est désormais possible à une équipe (de chercheurs ou de rédacteurs par exemple) de voter sur un élément, mais aussi sur un dictionnaire de mots-clés afin d'éviter de voir ces pléthores de tags synonymiques ou mal orthographiés qui polluent généralement ce genre de sites.
L'option People like me vous permet, sur base de vos derniers signets, de découvrir les gens qui partagent le plus vos intérêts et dès lors, d'augmenter vos chances de découvrir non seulement des sites mais surtout des contenus intéressants.
Le partage n'est pas limité à la sphère Diigo : Twitter, FaceBook et l'email sont à votre portée pour partager avec ceux de vos amis qui ne sont pas encore sur Diigo.
Diigo offre désormais une solution efficace à différentes préoccupations qui dépassent de loin le simple social networking. C'est désormais un outil majeur pour quiconque désire structurer, stocker et partager en ligne une information qui ne se limite par à une URL.
À côté des émotions individuelles existent des émotions complexes modelées par nos interactions sociales. L'évolution de ces dernières pourrait ouvrir la voie à une nouvelle discipline : l'archéologie émotionnelle.
Au catalogue des émotions disparues figure la Ferrea Voluptas (volupté de fer) de Pétrarque, qui disparut sans doute avec le latin. La perversion d'aujourd'hui se teinte d'aspects moraux, éthiques et médico-légaux. La Ferrea voluptas est tout aussi dure, mais moins pesante et plus libre.
Autre absente, l'acédie était tellement répandue au VIe siècle que l'Église envisagea d'en faire le huitième péché capital. C'était une démotivation spirituelle, un sentiment d'« à quoi bon » lié à l'objet religieux, un estompement de la foi, un relâchement de la ferveur. Certains psychologues contemporains la remettent au goût du jour, mais dans une acception beaucoup plus large : l'acédie du chômeur par exemple.
J'ai un faible particulier pour la dubitation : le plaisir subtil d'échapper à la réponse directe, de faire durer la douce tension née du questionnement.
Certaines émotions sont-elles actuellement menacées d'extinction ? J'éprouve quelque crainte pour le scrupule (petite pierre pointue dans le cerveau, selon les Latins) ou la magnanimité.
Je me souviens aussi du terrible et puissant sentiment d'egrégore, fusionnant les ressentis individuels en une énergie de groupe. Lui, c'est autre chose, il semble tellement présent lors de certains rassemblements politiques, sportifs, évangéliques ou encore de télé-réalité que seul le mot qui le désigne tombe dans l'oubli.
La complexité envahit toute notre sphère de connaissance. Nous ne pouvons plus faire semblant que le monde est simple.
Comprendre les soubresauts de la finance, l'évolution de la biodiversité, les mouvements des sociétés, l'impact de nouveautés technologiques demande de faire appel à un ensemble important de paramètres interdépendants. La présentation textuelle de ces données ne permet plus guère de percevoir les phénomènes qu'elles décrivent et une importance nouvelle investit l'art de la visualisation. The Art of Complex Problems Solving est à ce titre auto-référentiel.
Le blog Urban Cartography collecte des visualisations de systèmes aussi variés que les relations de Lou Bega ou les probabilités des causes de décès (tiens, on a deux fois plus de chances de mourir d'un coup de feu que de se faire renverser par une voiture...) Les sources ne sont pas toujours clairement indiquées, et la fiabilité des données sujette à caution. Reste la qualité et la créativité de certaines planches.
Strangemaps est lui totalement dédié à la cartographie illustrative, proposant des cartes géographiques contemporaines ou non mettant en perspective une problématique ontologique, sociale ou géopolitique. L'exemple suivant illustre le cheminement de Neil Amstrong sur la Lune comparativement à un terrain de football :
Gapminder est un outil que j'affectionne tout particulièrement. Une centaine de données récentes (principalement économiques et démographiques) en abcisse, et autant en ordonnées. Comment se répartissent les espérances de vie en fonction des revenus annuels? Dans quelle mesure les dépenses militaires sont-elles liées à l'analphabétisme? Vous sélectionnez et vous analysez. Difficile de faire mieux en matière d'interactivité et de clarté.
Et puis, il y a Indexed, le blog de Jessica Hagy, qui décrit la vie, l'univers et le reste au moyen de petits diagrammes de Venn. Je crois que Jessica comprend tout. Et moi-même, j'y vois désormais un peu plus clair...
« Sors de ton enfance, ami, réveille-toi ! » J.-J. Rousseau
(en exergue au Monde comme volonté et représentation)
Dans un quartier désert, la nuit, un inconnu se rapproche de vous. Vous sentez-vous en danger? Le saluez-vous ou accélérez-vous le pas? Cet inconnu, le ressentez-vous comme un ennemi? Cela ne dépend que d'une chose : votre représentation du monde.
Chacun de nos choix s'opère en fonction de l'image que nous avons du monde. Évoquer la vision du monde de Sarah Palin, candidate à la vice-présidence des États-Unis, ne ressort donc pas de l'anecdote ou du commérage : si McCain est élu, les décisions de cette dame pèseront lourd sur la marche du monde.
Voici, dans le désordre, quelques éléments qui structurent la vision du monde de Madame Palin :
Les hommes et les dinosaures coexistaient il y a 6.000 ans. [source, source] (1)
La Genèse doit être prise au pied de la lettre. [source] (2)
L'enseignement publique se doit d'enseigner l'Intelligent Design. [source]
Le fait que l'Alaska soit proche de la Russie suffit à conférer à son gouverneur une expertise en matière de politique extérieure. [source]
La volonté de Dieu s'incarne dans un pipeline gazier. [source]
Un email Yahoo est bien suffisant pour gérer les affaires de l'État. [source]
Il est nécessaire de se protéger de Satan et de « toute forme de sorcellerie. » [source, source]
Notes (1) Les dinosaures se sont éteints il y a 65 millions d'années alors que les premiers hommes sont apparus il y a 200.000 ans. (2) Sarah Palin était membre active de ce mouvement pentecôtiste jusqu'en 2002.
So what is this mind of ours: what are these atoms with consciousness? Last week's potatoes! They now can remember what was going on in my mind a year ago…a mind which has long ago been replaced. (Richard P. Feynman)
Je suis en train de me remémorer un épisode de mon enfance et je vous invite à faire la même chose. Je me souviens d’un son et d’une odeur comme si j’y étais. Vous vous dites peut-être qu'il n’y a là rien de bien surprenant, puisque j’y étais. Et bien, en un certain sens, je prétends n’avoir pas assisté à ces épisodes dont je me souviens si bien. Pas plus que vous d'ailleurs.
Des analyses de traceurs radioactifs montrent que les molécules d’eau restent en moyenne 4 semaines dans notre corps, les atomes des os y restent quelques mois, les plus longs temps de séjour ne sont que de quelques années [1, 2]. Chaque année, 98 % de la matière qui constitue notre corps est remplacée. Pratiquement, notre corps ne contient plus aucun des atomes qui le constituaient durant notre enfance. Comme le résume malicieusement Feynman: ce sont les atomes des pommes de terre que nous avons mangées la semaine dernière qui sont aujourd’hui le support matériel de nos souvenirs d’enfance! Ou pire. Du souvenir des pensées que nous avions étant enfants.
Notre identité intime ne se confond donc pas avec celle de la matière qui constitue notre corps, pas même notre cerveau, puisqu’elle est constamment remplacée alors que nous restons nous-mêmes [2]. Nos souvenirs, notre conscience, nos sentiments, n’ont comme support matériel que la forme de la matière, pas la matière elle-même. Nous sommes comme un tourbillon qui est à chaque instant fait d’une eau différente, mais qui garde sa forme au cours du temps. Comprenons nous : nous ne sommes pas l’eau qui constitue le tourbillon, nous ne sommes que la forme du tourbillon.
Steve Grand, le créateur du jeu informatique Creatures, suggère qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre la forme et la matière [3]. La différence que nous percevons pourrait bien n’être qu’un biais anthropocentrique [1]. Considérons l’électron. On le considère comme une particule matérielle, mais on ne détecte sa présence que par ses effets électromagnétiques. De beaucoup de points de vue, l’électron peut donc être compris comme étant une déformation du champ électromagnétique qui ne s’atténue pas au cours du temps. L’électron serait au champ électromagnétique ce que le tourbillon est à l’eau : une forme persistante. Idem du proton. Et quand un proton et un électron se rencontrent, ils créent une nouvelle forme persistante : l'atome d’hydrogène. Et ainsi de suite pour la chimie de plus en plus complexe qui mène à la vie et à la conscience par une hiérarchisation des formes. Et les esprits conscients ne seraient qu’une forme persistante de plus, dont la nature n’est pas fondamentalement différente des autres phénomènes.
Vous vous souvenez des billets sur les raisonnements fallacieux? Eh bien, sur Rocketboom, l'épatante Joanne Colan vient de mettre sa pierre à l'édifice en agrémentant son post de quelques exemples croquignolets. Un bon prétexte pour découvrir ce merveilleux vlog...
Le centre d'un cercle est le point équidistant aux points de sa circonférence. Cette simple définition dépend des symétries particulières du cercle. Si l'on considère une figure aussi simple que le triangle, ce ne sont pas moins de 3.000 points qui peuvent être qualifiés de centres (centre de gravité, orthocentre, centre du cercle inscrit...)
Attachons-nous au centre de gravité. C'est le point pour lequel la somme des distances qui le séparent des autres points de l'objet est minimale. Pour connaître le centre (de gravité) d'un pays, il suffit ainsi d'en découper la frontière dans une planchette de bois et de faire tenir cet objet en équilibre sur un doigt. Le doigt pointe alors sur le centre du pays.
Cette définition peut s'appliquer à tout réseau pour autant que la notion de distance soit définie comme le nombre d'intermédiaires nécessaires pour en relier deux éléments. C'est le principe du nombre d'Erdös [1] ou de celui de Bacon [2].
Dès 1929, l'écrivain Frigyes Karinthy imagina le concept des Six degrés de séparation, selon lequel toute personne sur le globe peut être reliée à toute autre par une chaîne de six maillons de relations individuelles au maximum. Stanley Milgram étudia cette thèse dans son Étude du petit monde qui constitue un fondement capital pour l'analyse des réseaux sociaux. FaceBook, Wikipedia et le P2P reposent en grande partie sur ces fondations. L'une des conséquences avérées est que c'est la solidité des liens faibles qui donne aux réseaux sociaux leurs cohérences.
C'est sur ces bases que Stephen Dohan s'est posée une question toute simple : quel est le centre de Wikipedia? Autrement dit, quel est l'article le plus proche de tous les autres, celui qui minimisera le nombre de clics à effectuer pour atteindre un article arbitraire?
La réponse est "2007", éloignée en moyenne des autres articles de 3,65 clics. Mais cette page est triviale car il s'agit en fait d'une longue liste. En ne considérant que les articles, le centre de Wikipedia est "United Kingdom", moyennement distante des autres de 3,67 clics. Il est suivi de "Billie Jean King" (3,68 clics) et de "United States" (3,69 clics).
Le Royaume Uni et les États-Unis ne surprennent guère... mais qui est donc Billie Jean King? Une ancienne joueuse de tennis à la biographie particulièrement détaillée. Se trouver au centre facilite les contacts mais ne les stimule pas.
Notes
[1] Le nombre d'Erdös d'un mathématicien peut être défini de la façon suivante:
le nombre d'Erdős d'un mathématicien M est le plus petit nombre d'Erdős de tous les mathématiciens avec qui M a cosigné un article mathématique, plus un (si M a un nombre de Erdős qui vaut 1, cela signifie qu'il a écrit un article avec Erdős) ;
si M n'a cosigné aucun article avec ces mathématiciens, il a par définition un nombre d'Erdős infini.
[2] Le nombre de (Kevin) Bacon est au cinéma ce que le nombre d'Erdös est aux mathématiques. Ronald Reagan a un nombre de Bacon de 2 : Il a tourné en 61 The Young Doctors avec l'acteur Eddie Albert, lequel a joué dans The Big Picture avec Kevin Bacon.
Peu de gens croient savoir le nombre d’accordeurs de piano qu’il y a Chicago. Pourtant, si on ne s’intéresse qu’à un ordre de grandeur, c’est un nombre facile à estimer. Le résultat en soi présente assez peu d'intérêt, mais la méthode est intéressante.
Il y a vraisemblablement 2 millions d’habitants à Chicago, c’est à dire 500 000 familles, dont sans doute une sur 100 possède un piano, il y a donc 5000 pianos. Chaque piano doit être accordé tous les 2 ans, et ça nécessite 1/2 journée de travail. L’accordage de tous les pianos de Chicago représente donc 1250 journées de travail par an, c'est grosso modo du travail à temps plein pour 4 personnes. En comptant que ces gens ne font vraisemblablement pas ça à temps plein, 10 accordeurs serait un chiffre plausible. Compte tenu des incertitudes sur les chiffres utilisés, il y en a peut être 1, ou peut être 100, mais pas 1000 !
On peut utiliser le même type de raisonnement pour estimer la production céréalière mondiale, le nombre de centrales nucléaires qui alimentent la téléphonie mobile, la part des serviettes jetables dans le prix des Big Macs, et même le nombre de civilisation extraterrestres dans notre galaxie. On raconte qu’Enrico Fermi mangeait silencieusement en compagnie de collègues avec qui il construisait la bombe atomique, quand il s’est soudain écrié « Mais où sont-ils ? » [1]. Il venait d’estimer que la Terre aurait déjà du être explorée à de nombreuses reprises par des extraterrestres.
L’estimation à la Fermi du nombre de civilisations extraterrestres dans notre galaxie porte aujourd’hui le nom d’équation de Drake [2]. Elle comporte une succession de facteurs tels que (1) le nombre d’étoiles crées chaque année, (2) la fraction des étoiles qui ont des planètes habitables, (3) la fraction de celles-ci où la vie apparaît, et (4) la durée de vie d’une civilisation capable de communiquer sur des distances interstellaires. On fait généralement l’hypothèse que la Terre n’est pas exceptionnelle, c'est-à-dire que chaque étoile possède de l’ordre d’une planète où la vie apparaît. Selon les estimations, on trouve entre 100 et 10000 civilisations extraterrestres dans notre environnement immédiat [3]. Si on étend ce calcul à tout l’Univers visible, il faut multiplier ce chiffre par 100 milliards !
Parmi les nombreuses courses est-ouest de la guerre froide, il y avait notamment la recherche des extraterrestres. C’est dans ce contexte qu’est né le projet américain « Search for Extra-Terrestrial Intelligence » (SETI), pendant que les Russes avaient un projet similaire [4]. Et en tout ce temps, personne n’a rien vu : « Mais où sont-ils ? » [5]. On admet généralement que les difficultés technologiques liées aux voyages interstellaires ne peuvent pas être la réponse. Il y a là-haut des systèmes solaires deux fois plus âgés que le notre, ce qui permet d’imaginer qu’il existe des technologies autant supérieures à la notre, que la notre est supérieure à celle des algues bleues. Bref, c’est un vrai mystère.
L’explication la plus simple serait que notre forme de vie est très rare. Et il n’y aurait que deux explications possibles : soit il y a dans l’évolution de la vie terrestre une étape que nous avons déjà traversée qui était hautement improbable, soit la durée de vie d’une civilisation à haute technologie est très courte. Dans un texte intéressant [6], Nick Bostrom explique pourquoi il espère qu’on ne trouvera pas trace de vie sur Mars. Si on trouvait de la vie sur la première planète qu’on explore autre que la terre, ça voudrait dire que la vie est un phénomène banal dans l’Univers. Tout cela augmenterait la vraisemblance du deuxième scénario, et nos jours seraient comptés [7].
[1] http://en.wikipedia.org/wiki/Fermi_paradox [2] http://en.wikipedia.org/wiki/Drake_equation [3] L. Gresh & R. Weinberg, « The science of the Superheroes », Wiley 2002. [4] http://en.wikipedia.org/wiki/SETI [5] Leo Szilard aurait répondu à Fermi « they are already among us - but they call themselves Hungarians ». [6] http://www.nickbostrom.com/extraterrestrial.pdf [7] Philippulus le Prophète, « La fin est proche », In: L’étoile mystérieuse, Hergé.
En mai dernier, les planches à billets zimbabwéennes sortaient une coupure de 250.000.000 ZWD, signe d'une hyperinflation estimée en juin à 9.030.000%. Dans l'hypothèse où ces chiffres veulent encore dire quelque chose, c'est-à-dire qu'il existe un marché pour une telle monnaie, 1 USD = 40.000.000.000 ZWD.
Ancienne colonie anglaise, le Zimbabwe a gardé l'anglais comme langue officielle, ce qui ne facilite pas les choses lorsque l'on manipule quotidiennement des sommes dépassant le milliard.
En français, les choses sont relativement simples :
un milliard = 1.000 millions (10**9) ;
un billon = 1.000 milliards (10**12) ;
un trillion = 1.000.000 billions (10**18) ;
etc.
Notons toutefois que beaucoup de gens pense que milliard est le synonyme populaire de billion, faisant ainsi une erreur d'un facteur 1.000.
En anglais, la confusion est encore bien pire, ainsi que l'explique l'excellent Neil Minkley. La signification d'un terme tel que billion varie selon le type d'anglais (British ou American), mais aussi selon le dictionnaire considéré.
Ainsi, selon le Harrap's Unabridged, « trillon » signifie indifféremment 10**12 et 10**18 pour les Anglais :
Français British English American English milliard billion billion billion trillion trillion trillion trillion quintillion
tandis que pour le Grand Dictionnaire Hachette-Oxford,« trillion » est ambigu pour les Américains et « billion » est ambigu pour les Anglais :
Français British English American English milliard billion billion billion billion trillion trillion trillion trillion
En fait, les deux usages sont permis selon que l'on considère une short-scale acception ou une long-scale acception (laquelle intègre aussi billiard et trilliard). Mais il ne semble guère exister de convention permettant de trancher.
Bref, ayons une pensée émue pour tous les Zimbabwéens qui se trouvent en aval de la planche à billets, et plus particulièrement pour les comptables.
Sans doute parce qu’elles vont effectivement plus vite dans la file d’à coté. Et si vous passez d’une file à l’autre, ça n’y changera rien : la plupart du temps, vous serez dans la file la plus lente. Comme tout le monde d’ailleurs.
C’est parce qu’une file est dense qu’elle est lente, parce qu’on ajuste sa vitesse à la distance qui nous sépare de la voiture de devant. C’est pour la même raison que le trafique est plus rapide dans un tronçon peu dense, où la distance entre véhicules est grande. Dans une situation de trafique hétérogène, les voitures lentes sont donc nécessairement plus nombreuses que les voitures rapides. Pour fixer les idées, imaginons que les files lentes contiennent 2/3 des voitures, et que les files rapides en contiennent 1/3.
Chaque conducteur est alternativement dans une zone rapide et dans une zone lente. Soit qu’il change de file, soit que son tronçon devienne temporairement plus rapide ou plus lent. Comme la proportion globale de véhicules dans les tronçons rapides et lents est de 1/3 et 2/3, chaque conducteur individuellement passe 2/3 du temps à rouler plus lentement que les autres, et seulement 1/3 du temps à rouler plus vite. Bref, 2 fois sur 3, les voitures d’à coté vont bel et bien plus vite.
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